En général, ce type d'indemnisation concerne de grands handicapés, notamment, les tétraplégiques ou les traumatisés crâniens, car ils ont besoin, pour vivre au quotidien leur handicap, d'un aménagement spécifique, tels que notamment : la création d'un ascenseur, l'élargissement des huisseries, la modification des prises électriques, l'adaptation de la salle de bains et des toilettes. Il n'existe pas un texte de loi particulier qui légifère sur ce poste d'indemnisation pourtant essentiel, puisqu'il permet à la personne handicapée de retourner à son domicile définitivement ou pour une courte durée
La prise en charge des frais d'amenagements et d'acquisition du logement des victimes d'un grand handicap
3r a.n.m.s.r 12/2002 www.anmsr.asso.fr
La victime d'un dommage corporel peut demander en justice à l'encontre de la personne responsable de son handicap, les frais qu'il convient d'exposer pour l'aménagement de son logement ou pour l'acquisition de ce dernier avec ou sans aménagements spécifiques.
En général, ce type d'indemnisation concerne de grands handicapés, notamment, les tétraplégiques où les traumatisés crâniens, car ils ont besoin, pour vivre au quotidien leur handicap, d'un aménagement spécifique, tels que notamment: la création d'un ascenseur, l'élargissement des huisseries, la modification des prises électriques, l'adaptation de la salle de bains et des toilettes. Il n'existe pas un texte de loi particulier qui légifère sur ce poste d'indemnisation pourtant essentiel, puisqu'il permet à la personne handicapée de retourner à son domicile définitivement ou pour une courte durée.
C'est la Cour de Cassation qui a permis d'obtenir cette indemnisation devant les Tribunaux en rappelant, à de nombreuses reprises, le droit de la victime d'un dommage corporel d'obtenir la réparation intégrale de son préjudice
Cependant, lorsqu'on parle d'indemnisation, encore faut-il, définir les frais qui vont être pris en compte et qui vont être mis en général, par le Tribunal, à la charge de la compagnie d'assurances du responsable de l'accident.
Cette jurisprudence est très récente, elle a évolué de la prise en charge des aménagements spécifiques à l'acquisition d'un logement.
Un arrêt important en date du 09/10/96 (cassation 2ème Civ. n°94-19 763 – GUEGAN c/ LE GUEN) a estimé que compte tenu de l'usage du fauteuil roulant pour une personne handicapée, celle-ci devait nécessairement changer de domicile et que l'acquisition d'un logement de plain-pied était nécessaire. Il a été jugé, également, que le coût de ce bien immobilier et les aménagements de ce logement devaient être pris en charge par le responsable du dommage.
D'autres décisions ont été rendues, mais en nombre limité, considérant parfois qu'il convenait de déduire du prix de l'acquisition du bien immobilier, la valeur de l'appartement précédemment occupé par une personne handicapée, pour éviter un enrichissement patrimonial (Cour d'appel Paris 17ème Chambre arrêt du 08/01/2001- MIGLIORINI c/ MILUTINOVIC - Cour d'appel de VERSAILLES – arrêt du 28/05/1999 - GOSSELIN c/ VANCOM). D'autres encore refusent le règlement de l'acquisition du logement considérant qu'il s'agit de simples convenances personnelles et que l'achat d'un bien immobilier n'est pas lié à la nécessité du handicap (Cour d'Appel de BOURGES du 19/03/2001 DELATRE c/ JAIKO FONTAINE. Le taux d'I.P.P. de la victime tétraplégique était de 90 %).
Les proches de la victime peuvent, eux aussi demander la réparation des frais engagés, telle une mère pour le remboursement d'aménagements spécifiques pour son fils dans les limites des dépenses nécessaires (Cass. 1er Chambre Civile du 27/05/1997 – ALBERT- BRUNET c/ GAN).
Les Tribunaux, lorsque la demande de frais d'acquisition et/ou d'aménagement du logement leur est présentée, désignent un expert judiciaire, en général un architecte, pour requérir son avis.
Une fois le rapport de l'expert judiciaire déposé et après avoir entendu les avocats des parties, les tribunaux peuvent juger notamment que :
- Le relogement dans l'ancien logement est possible avec ou sans aménagement.
- Un nouveau logement locatif est possible avec ou sans aménagement. Le surcoût du nouveau loyer d'un appartement adapté est indemnisé. (Cour d'Appel Paris 17ème Chambre arrêt du 19/02/2001 – MAAF c/ ROY. - Cour d'Appel de PARIS – 1ER Chambre – Arrêt du 17/12/1997 GOFFIC c/ BERNARDIN).
- Seule l'acquisition d'un nouveau logement avec ou sans aménagement est possible.
Pour les grands handicapés, le relogement dans leur ancien appartement ou dans une nouvelle location est impossible en raison du défaut d'accessibilité des parties communes: les marches, les étages, le défaut ou la dimension de l'ascenseur, l'étroitesse des couloirs, et également, s'agissant des parties privatives, les appartements ne sont en général pas adaptés pour les personnes en fauteuil roulant. Dès lors, il faut obtenir l'accord de la copropriété et du bailleur pour la réalisation de travaux d'aménagement, lesquels seront refusés parce que coûteux et entraînant des adaptations souvent irréversibles.
Reste donc la seule réparation possible, celle correspondant à la réparation intégrale du dommage, l'acquisition d'un logement lorsque les contraintes architecturales sont incompatibles avec le logement habité par la victime avant l'accident et empêchent l'aménagement de celui-ci. Dans le débat judiciaire, la personne handicapée définit pour son logement ses besoins en fonction des contraintes qu'imposent son handicap, contraintes d'autant plus lourdes que le taux d'incapacité est important et l'obligera de ce fait, à passer la majeure partie de son temps dans son logement.
Il est donc essentiel de réparer intégralement ce poste de préjudice, le grand handicapé est une victime, il ne faut jamais l'oublier.
Ainsi, pour les grands handicapés, il convient de tenir compte indépendamment des aménagements, de l'acquisition d'un logement en rez-de-chaussée avec un jardin et une terrasse aménagée comprenant au minimum pour ses besoins personnels: une chambre spacieuse - une chambre pour la tierce personne avec douche et WC - une salle de bains adaptée, des toilettes adaptées, un salon - salle à manger à titre personnel – une cuisine accessible - une pièce pour le rangement du matériel – un garage aux grandes dimensions.
Actuellement, devant les Tribunaux, cette notion d'espace nécessaire et confortable pour les grands handicapés fait l'objet de nombreuses discussions, car il ne faut pas le cacher, cela se traduit dans les faits par des mètres carrés supplémentaires, d'où un coût plus onéreux du logement.
Accorder pour l'habitation d'un grand handicapé, un espace apparemment important n'est pas un luxe, ce n'est qu'une des formes de la réparation intégrale de son préjudice corporel.
Cependant, ces mètres carrés supplémentaires que les victimes réclament sont onéreux et sont judiciairement discutés. Il est donc indispensable que les grands handicapés se défendent pour la reconnaissance de leur espace de vie qui est vital.
En général, les défendeurs s'opposent au règlement de l'acquisition du logement où discutent la superficie réclamée par la victime, ils l'estiment souvent trop importante et donc trop onéreuse, il en est de même pour les aménagements.
Il appartient aux Juges en cas de contestations judiciaires de trancher.
Ces problèmes d'aménagement et d'acquisition du logement devraient être jugés en urgence, car on sait pertinemment que les grands handicapés ne peuvent souvent quitter le Centre de Rééducation Fonctionnelle que dans la mesure où ils possèdent un logement accessible, adapté à leurs besoins, appareillé et confortable.
Catherine MEIMON NISENBAUM
Avocat à la Cour d'Appel de PARIS
Décembre 2002
PS : (Mai 2024)
La nomenclature Dintilhac définit le poste logement adapté comme suit : " les dépenses concernant les frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec ce handicap ".
La jurisprudence retient les dépenses consécutives à l’aménagement du domicile préexistant et aussi à l’acquisition d'un nouveau domicile prenant en compte le surcoût financier engendré par cette acquisition, les frais de déménagement et d'emménagement, les frais de surcoût de loyers pour un logement plus adapté à l’handicap. Sont prises en compte uniquement les dépenses liées à l’handicap.
Concernant les personnes gravement handicapées, les Tribunaux désignent des experts judiciaires pour évaluer ce préjudice, ce sont en général des architectes et/ou des ergothérapeutes. Ce poste de préjudice peut être très élevé et donc un débat et différend interviennent souvent entre la victime et les régleurs qui sont souvent assistés par un architecte.
Les frais de logement adapté correspondent aux dépenses que doit débourser la victime d’un événement traumatique pour adapter son logement aux séquelles dont elle est victime et bénéficier ainsi d’un habitat en adéquation avec son handicap. Ce poste de préjudice inclut traditionnellement non seulement l’aménagement du domicile rendu nécessaire par l’état pathologique de la victime, mais également le surcoût découlant de l’acquisition d’un domicile mieux adapté au handicap (frais architecturaux et structurels et domotiques, surface complémentaire liée à la circulation d’un fauteuil roulant, aménagement d'une pièce pour la tierce personne assurant une surveillance constante, aménagement d’un espace pour le matériel spécifique, un système de climatisation pour les personnes tétraplégiques ...).
Cependant, depuis quelques années, la Cour de cassation, en vertu du principe de réparation intégrale, met à la charge de l’assureur du tiers responsable ou du fonds le coût non seulement des aménagements architecturaux et domotiques mais également le coût de l’achat d’un logement adapté, ou un surcoût de loyer. Le statut de la victime vis -à -vis de son logement existant (propriétaire ou locataire) peut influer sur la décision des juges.
Pour les victimes locataires, quand il est établi que le logement locatif occupé par la victime avant son accident n'est pas adapté à sa situation de handicap, l’indemnisation des frais de logement adapté sont indemnisés et peuvent correspondre par exemple à l’acquisition du terrain, aux coûts de la construction et aménagements spécifiques à l’handicap, aux honoraires de l'agent immobilier, et aussi a un surcoût de loyer. Il a été jugé que l’acquisition du logement adapté pour un ancien locataire ne constitue pas un enrichissement sans cause du fait de la dispense du paiement des loyers pour la victime, mais est la conséquence directe de son accident corporel.
La Cour de cassation, 2e chambre civile, par arrêt du 6 Mai 2021 – n° 19-25.524 a statué comme suit :
"Pour débouter M. [W] de sa demande d’indemnisation des frais d’acquisition d’un logement, l’arrêt énonce que le poste de préjudice des frais de logement adapté correspond aux frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d’un habitat en adéquation avec ce handicap et que cela peut inclure non seulement l’aménagement du domicile préexistant mais éventuellement, dans certaines hypothèses, celui découlant de l’acquisition d’un domicile mieux adapté prenant en compte le surcoût financier engendré par cette acquisition.
L’arrêt, après avoir rappelé que M. [W] sollicitait d’une part, l’indemnisation du prix d’acquisition du logement qu’il occupait à titre locatif et d’autre part, les frais liés à l’adaptation de celui-ci à son handicap impliquant des déplacements à l’aide de prothèses ou d’un fauteuil roulant, ajoute que selon le médecin-expert, le choix de M. [W] d’acheter son logement est personnel et nécessitera quelques aménagements extérieurs et intérieurs afin de l’adapter à son état de santé (mise en place d’un portail et d’;un garage télécommandés, adaptation de l’allée extérieure, mise en place d’un plan incliné gommant le dénivelé avec pente de 5% et d’une rampe d’accès à la véranda, modification des portes, aménagement de la cuisine, suppression d’un mur porteur, installation d’une douche type italienne, d’une planche lavabo et d’un WC surélevé).
L’arrêt en déduit que dès lors que M. [W] sollicite l’indemnisation du prix d’acquisition d’un logement qui est, sans contestation, inadapté à son handicap, il s’agit d’un choix purement personnel qui n’est pas directement imputable aux séquelles de l’accident.
En statuant ainsi, sans répondre au moyen des conclusions de M. [W] qui soutenait que l’acquisition de son logement était rendue nécessaire par l’importance des aménagements que la gravité de ses séquelles imposait d’y apporter, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. »
Pour les victimes propriétaires, quand il est établi que le coût de l’adaptation de son ancien logement est soit impossible soit plus élevé que celui d’un nouveau logement qui serait adapté, l’indemnisation de ce poste de préjudice est retenue car il lui est imposé par son handicap. En général, le seul surcoût lié à l'aménagement est indemnisable et non l'acquisition totale de la maison.